Petites histoires de nos régions françaises
Grand-Est
Né sur un terroir providentiel pour l’élevage (verts pâturages des Vosges et flore propre à favoriser un lait riche en arôme), le munster est le témoin de l’influence monastique du patrimoine laitier alsacien. Son nom, il le tire du latin Monasterium, qui déformé devint Munester en allemand et enfin munster. Cette pâte molle à croûte lavée, fait partie des « fromages qui puent » et participe à la légende olfactive des fromages au lait cru d’exception, un fromage fortement ancré dans sa région.
Auvergne-Rhône-Alpes
Le cantal compte parmi les plus anciens fromages d’Europe. Comme tous les fromages de montagne, il constituait un aliment énergétique qui permettait de « tenir » durant l’hiver surtout lorsque le ravitaillement était rendu impossible par la neige. Le Cantal est un fromage d’estive c’est-à-dire produit entre mai et octobre. Les vaches sont emmenées sur les versants du massif du Cantal (appelé aussi « Pays vert »), en Auvergne, pour paître une prairie particulièrement riche (terre volcanique). Il existe deux variantes locales du cantal : le salers et le laguiole.
La fourme d’Ambert tire son nom de la ville d’Ambert où une foire célébrait chaque année ce fromage d’excellence. Les druides s’en servaient pour célébrer le culte à l’époque gallo-romaine et jusqu’au XIIIe siècle, les fermiers payaient leur loyer à leur Seigneur avec ce fromage. Aujourd’hui, elle existe rarement dans sa version au lait cru.
Introduit au XVIIe siècle par le Marquis de Sennecterre (qui donna son nom à l’illustre fromage), à la table du roi Soleil, le saint-nectaire a ainsi quitté son statut de fromage paysan et à partir du XVIIe siècle sera consommé dans toute la France. Un fromage très lactique frais par sa pâte et aux arômes d’humus qui, en s’affinant modifie ses arômes d’humus, de pomme de terre, de champignon, de cave ou paillon par sa croûte.
Centre-Val de Loire
Cette région est particulièrement réputée pour sa production de fromages de chèvre : crottin de Chavignol, bouchon de chèvre, sainte-maure de Touraine, selles-sur-Cher, valençay. Le pouligny Saint-Pierre est LE fromage de ce cœur de la France même s’il n’est pas le plus connu. Au XVIIe siècle, ses moules étaient en paille de seigle avec des baguettes d’osier puis en métal, ils sont aujourd’hui en plastique alimentaire. C’est la plus petite des AOP (Appellation d’Origine Protégée) fromagères en superficie et aussi la plus ancienne des AOP caprines. Sa particularité vient de ses deux affinages possibles : « en blanc » qui donne une peau charnue et molletonnée ; « en bleu » (présence du Penicillium album) qui donne une légère acidité à la pâte, une texture moelleuse et des notes florales en bouche.
Normandie
L’Histoire dit (rien est avéré) qu’en 1791, l’abbé Bonvoust caché pendant la Révolution par Marie Harel dans son village de Normandie (Pays d’Auge), il souhaite la remercier de son hospitalité et lui remet la recette du brie qu’il fabrique à la perfection. C’est en apportant sa touche personnelle à cette recette que Marie Harel va inventer le camembert au lait cru. En 1890, l’invention de la boîte en bois permet le transport des fromages coulants et le développement des trains favorise une commercialisation parisienne puis nationale. Pourtant, il n’existe aujourd’hui plus que 9 sites de production laitière qui fabriquent le camembert au lait cru 100% fermier. Ce sont les seuls à bénéficier de l’appellation d’origine protégée (AOP) : camembert de Normandie.
Bretagne
Autrefois fabriqué exclusivement dans des monastères, le saint-paulin est aujourd’hui produit en deux tailles par des laiteries artisanales et industrielles de Bretagne, du Maine et des Hauts de France. C’est vers 1930 qu’il devint le premier fromage au lait pasteurisé. À l’inverse de la plupart des fromages traditionnels, ce n’est que depuis 1990 qu’on en trouve au lait cru. Sa croûte est fine et humide, sa pâte tendre, il est d’un goût discret délicatement salé. Sa fabrication est inspirée directement du port-du-salut (devenu port-salut) au caractère un peu plus marqué.
Pays de la Loire
Comme la Bretagne, cette région est assez pauvre en fromages. Parmi les plus connus, se distingue le curé nantais, à la croisée du saint-paulin et du pont-l’évêque. C’est en 1880, sur les conseils d’un curé de passage, un agriculteur se lance dans la fabrication d’un fromage « Le Régal des gourmets ». Quelques années plus tard, c’est en hommage à ce curé que le fromage devient « Curé nantais ».
Occitanie
À travers les fleurines, dans le secret d’une faille sismique, le vent souffle depuis la surface et l’on comprend pourquoi l’âme du roquefort (fromage au lait de brebis) est faite de terre, de chair et d’air. « Dans les caves naturelles du Mont Combalou, posés sur des travées de bois de chêne où se nichent les levures de penicillium roqueforti qui vont stimuler la flore lactique, les roqueforts mûrissent comme des œuvres d’art » aiment à raconter les habitants de Roquefort-sur-Soulzon. Le roi Charles VI en 1411 accorde le monopole de l’affinage aux habitants de Roquefort qui le pratiquaient déjà depuis des siècles. C’est ainsi que furent éliminées les imitations.
Le plus connu des fromages de vache des Pyrénées est le bethmale, fromage au lait de vache cru originaire des vallées du Couserans, près de la ville de Foix. On dit qu’il serait apparu à l’époque où les Maures occupaient la région mais, c’est le roi Louis VI le Gros (XIIe siècle) qui permit son essor régional tant il le trouva exquis et le marqua d’un sceau royal.
Nouvelle-Aquitaine
Le Pays basque et le Béarn sont le premier bassin fromager fermier des fromages au lait de brebis. Dès le XVe siècle, on signale des fromages de brebis près d’Oloron, cité marchande de la vallée. Les liaisons sont difficiles entre les pâturages d’été (estives) et les vallées, les bergers vont alors transformer le lait sur place de façon à ce que, une fois l’estivage terminé, ils n’aient plus qu’à descendre les fromages pour les commercialiser. Parmi eux, l’ossau-iraty, délicatement typé offre une grande palette de variétés aromatiques et une subtile saveur de noisette.
Bourgogne-Franche-Comté
L’apparition du mont d’or (ou vacherin) coïncide avec les premiers défrichements des hauts plateaux du Doubs (en Franche-Comté) par les moines des environs. Après avoir passé l’été dans les verts pâturages du massif jurassien, les troupeaux regagnaient les étables. En hiver, face à une production de lait moins importante et à une collecte rendue difficile par la neige, les fermiers-moines décident de fabriquer leur propre fromage. La région regorgeant d’épicéas, le fromage sera sanglé dans une lanière d’écorce de cet arbre (les fabricants de ces sangles s’appellent les sangliers) qui lui donne son goût boisé. Plus petite que le fromage lui-même, la sangle compresse le fromage d’où ses plis à la surface qui rappelle les montagnes du Jura.
Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur)
À la fin du XIXe siècle, la terre du pays de Lure est peu fertile et les paysans complètent les travaux d’agriculture par l’élevage domestique de brebis (pour la viande) et de chèvres (pour le lait). Pour allonger la durée de vie du lait, les éleveurs le transforment en fromage et pour l’allonger encore plus, ils ont l’idée d’envelopper (localement cette étape s’appelle « le pliage ») le banon de Banon dans une feuille de châtaignier brune (la moins chargée en tanin) ramassée sur place à l’automne en prévision de la période fromagère. Il complète ainsi l’alimentation familiale et le surplus de production va prendre le chemin de marchés locaux, notamment celui de Banon, renommé pour sa foire aux fromages.
Corse
La légende dit que la recette du brocciu aurait été dévoilée aux bergers corses par Salomon il y a plusieurs millénaires transmise depuis de génération en génération de fromagers. Cette seule appellation d’origine protégée corse a une particularité : elle est fabriquée exclusivement à base de lait de brebis corse pendant la première partie de l’année ensuite, on utilise du lait de chèvre corse.
Ile-de-France
L’histoire du brie de Meaux est celle d’un fromage de « grand moule » (jusqu’à 37 cm). Le seul fromage à faire autant parler de lui : « mets délicieux » dit de lui Charlemagne, soumis à une redevance sous Louis XII, encensé par les poètes durant tout le XVIe siècle, tartiné à Henri IV par la Reine Margot, dans le bec du corbeau de Jean De La Fontaine, dans les bouchées à la reine inventées par Marie Leszcinska pour Louis XV, consacré « Prince des fromages » par Metternich (Chancelier d’Autriche) en 1815. Au début du XXe siècle, il y avait autant de bries que de fermes briardes.
Le fontainebleau, né dans un entrepôt de la ville éponyme, est originellement composé de 50 % de fromage blanc égoutté durant trente heures, puis lissé et de 50 % de crème fouettée. Les artisans utilisent le plus souvent une crème fleurette crue insufflée d’air froid (augmentant son volume par quatre ou six) et l’incorporent ensuite, délicatement à l’aide d’une machine, à un caillé égoutté et lissé, jusqu’à l’obtention d’un mélange semi-ferme.
Hauts-de-France
Le maroilles, dont les cousins sont le pont-l’évêque de Normandie et le munster alsacien, (famille des pâtes molles à croûte lavée) se singularise par une odeur, une saveur et une consistance spécifique que l’on ne peut obtenir qu’en Thiérache, son terroir d’origine, près de l’abbaye de Maroilles. On a coutume de dire « que le maroilles est le plus fin des fromages forts » (Dany Boon dans son film, Les Ch’tis, trempe des tartines de maroilles dans son café au petit-déjeuner). Sa durée d’affinage avoisine les 3 mois.
Longtemps appelée « boule de Lille », la mimolette (fromage préféré du Général De Gaulle) a souvent été prise pour un fromage hollandais. Et pour cause, vers 1675, alors que la France était en guerre contre les Pays-Bas, Colbert interdit l’importation du gouda et exige des fermiers des Flandres d’en inventer un similaire pour remonter le moral des troupes. Deux grandes différences résident dans la croûte naturelle pour la mimolette (paraffinée pour le gouda hollandais) et dans la couleur de la pâte, orangée pour la mimolette (carotène) et couleur crème pour le gouda hollandais. La croûte de la mimolette est brossée chaque semaine par le caviste afin d‘en éliminer les cirons (micro bactéries inoffensives pour l’homme) qui dévorent la pâte du fromage afin de la laisser respirer. Les fromages sont ensuite frappés à coup de maillet en buis pour tester leur qualité et détecter d’éventuelles irrégularités de structure. Si le bruit est sourd, cela signifie que la mimolette est bien pleine. À l’inverse, un bruit creux traduit que la pâte du fromage comporte des trous.